Enquête de terrain sur les traces d'une F3 à Noirétable
Posté : dim. mars 07, 2010 16:57
Voici le compte-rendu de l'enquête menée par notre groupe d'amis lors de notre rencontre d'été 2007.
Depuis plusieurs années, Remy, Enzo, Michel et Julien (Pop41) parfois accompagnés d'autres amis passionnés très soudés, réunis sous le nom collectif de Stormchaseradventure, ont mené plusieurs enquêtes sur les sites de tornades sur place ou dans les environs, dans le but d'approfondir nos connaissances sur ces cas ou affiner un diagnostic. Ainsi ces enquêtes nous donnent-elles la possibilité d'affiner voire modifier un classement sur l'échelle de Fujita, ou apporter des éléments susceptibles de renseigner la situation météo, la nature exacte du phénomène (gustnado, landspout...) ou autres circonstances (localisation exacte, trajet...).
Mais d'autres aspects ne sont pas à négliger : loin de se borner en effet au simple rôle d'outil d'investigation, cette activité quand on l'exerce sur la durée prend très vite une véritable dimension humaine et archivistique, véritable mise à jour archéologique de vestiges mémoriels gorgés d'émotion, ramenés à la vie par la récolte des témoignages de première main et des précieux documents qui dorment dans les greniers.
C'est essentiellement vu sous cet angle-là que je vous le rapporte aujourd'hui :
Cet été 2007 comme nous étions basés en Puy de Dôme, nous nous sommes donc rendus à Noirétable dans la Loire. Après renseignements à la mairie de Noirétable, nous avons appris que le phénomène s'était déroulé à Le Phaux, petit lieu-dit de la commune, et nous sommes ressortis avec les coordonnées des principales victimes.
Nous sommes ensuite partis à la recherche de ces témoins. Etait-ce grâce à une adresse, ou nous étions-nous décidés de sonner au premier portail venu ? Je ne me souviens guère. Toujours est-il qu'à peine quelques centaines de mètres parcourus, nous nous trouvions devant le portail d'une vieille ferme et nous avons sonné à la porte, le coeur battant.
Un vieil homme est alors apparu sur le perron :
- "Qui êtes-vous ?"
Et nous de lui révéler qui nous étions et surtout, bien sûr, notre recommandation par la mairie. L'homme est alors venu nous ouvrir le portail, avec un air affable que l'on n'aurait pas forcément attendu d'une personne âgée se retrouvant face à un groupe de jeunes inconnus.
L'un d'entre nous s'est alors décidé à lui poser LA question qui nous brûlait les lèvres à tous :
"Avez-vous entendu parler de la tornade qui est passée chez vous en 1954 ?"
C'est alors que l'homme nous a regardé, le regard brusquement changé, grave, et ses lèvres ont fini par nous lâcher un mot, un seul mot :
-"Oui."
Durant ces quelques secondes, un frisson m'a parcouru l'échine. Dans ses yeux, je voyais le monstre.
Peu après, l'homme nous a fait monter dans sa maison, où lui et sa femme nous ont reçu très chaleureusement. Et nous voilà partis pour une séance-souvenirs autour d'un verre dans leur salon, qui s'est prolongé durant un bon moment. Très disponibles, ils ont même été jusqu'à nous extraire "leur" trésor : des photos d'un journal professionnel local, Paysans de la Loire. Formidable cerise sur le gâteau, trésor caché qui dormait depuis 1954 dans leurs tiroirs !
Combien de pépites inestimables dorment ainsi en France dans les vieilles archives familiales, les armoires ou les coffres à souvenirs ? Ou quelques fois même simplement dans les têtes ? Ces braves gens n'avaient pas l'air de se rendre compte à quel point ces documents pouvaient être précieux pour nous !
Plus tard, ressortant à l'air libre, le vieux fermier nous a d'abord montré les traces encore subsistantes des dégâts sur les murs en pierre de la ferme.
Il nous a ensuite menés jusqu'à l'endroit où la tornade se serait formée. C'était en haut de ce pré cerné par les bois (cf. photo ci-dessous), dont la largeur devait correspondre environ aux dimensions du phénomène.
Elle serait descendue jusqu'à le Vaux, petite hameau visible en contrebas, et aurait poursuivi ses méfaits plus loin encore, dans un axe classique Ouest-Est.
Lorsqu'enfin nous avons fini par nous quitter, les liens s'étaient tellement noués que nous avons fait une photo-souvenir. Et j'ai encore en mémoire les deux silhouettes nous disant au-revoir sur leur perron, lien si vite noué, et si vite rompu...
Parfois j'essaie de me les imaginer lors de cette belle matinée ensoleillée, tranquillement installés dans leur ferme et dans le flux de la vie, et tout à coup recevant la visite chez eux de plusieurs jeunes inconnus, intrusion de l'extérieur qui allait contre toute attente faire remonter quelque chose du plus profond d'entre eux et de leur mémoire.
Eh oui, c'est aussi cela la réalité d'une enquête.
Anecdote au passage : il a fallu que Remy ouvre devant nos témoins son classeur-outil d'identification avec ses photos de tornades pour que ces gens apprennent enfin -55 ans après !- de quel phénomène ils avaient été victimes. Certes ils avaient été pris d'assaut par la tornade, mais cette dernière était tellement large qu'ils n'ont rien identifié, et l'absence totale de ciment médiatique en France aura fait le reste...
Noirétable le 14 août 1954
F3
Le 14 août à 13 h 30
Trajet de 8 km sur 500 m de large
1 blessé
Ps : je n'ai pas pu -évidemment- vous mettre les photos des dégâts publiés dans Paysans de la Loire pour des raisons de droits. Néanmoins Remy les possède désormais, et elles pourront compléter utilement nos observations et informations obtenues sur place pour documenter le cas en amont, créer une carte du trajet.
L'enquête en effet est loin d'être terminée. De même ce post est susceptible d'être complété à l'avenir.
Depuis plusieurs années, Remy, Enzo, Michel et Julien (Pop41) parfois accompagnés d'autres amis passionnés très soudés, réunis sous le nom collectif de Stormchaseradventure, ont mené plusieurs enquêtes sur les sites de tornades sur place ou dans les environs, dans le but d'approfondir nos connaissances sur ces cas ou affiner un diagnostic. Ainsi ces enquêtes nous donnent-elles la possibilité d'affiner voire modifier un classement sur l'échelle de Fujita, ou apporter des éléments susceptibles de renseigner la situation météo, la nature exacte du phénomène (gustnado, landspout...) ou autres circonstances (localisation exacte, trajet...).
Mais d'autres aspects ne sont pas à négliger : loin de se borner en effet au simple rôle d'outil d'investigation, cette activité quand on l'exerce sur la durée prend très vite une véritable dimension humaine et archivistique, véritable mise à jour archéologique de vestiges mémoriels gorgés d'émotion, ramenés à la vie par la récolte des témoignages de première main et des précieux documents qui dorment dans les greniers.
C'est essentiellement vu sous cet angle-là que je vous le rapporte aujourd'hui :
Cet été 2007 comme nous étions basés en Puy de Dôme, nous nous sommes donc rendus à Noirétable dans la Loire. Après renseignements à la mairie de Noirétable, nous avons appris que le phénomène s'était déroulé à Le Phaux, petit lieu-dit de la commune, et nous sommes ressortis avec les coordonnées des principales victimes.
Nous sommes ensuite partis à la recherche de ces témoins. Etait-ce grâce à une adresse, ou nous étions-nous décidés de sonner au premier portail venu ? Je ne me souviens guère. Toujours est-il qu'à peine quelques centaines de mètres parcourus, nous nous trouvions devant le portail d'une vieille ferme et nous avons sonné à la porte, le coeur battant.
Un vieil homme est alors apparu sur le perron :
- "Qui êtes-vous ?"
Et nous de lui révéler qui nous étions et surtout, bien sûr, notre recommandation par la mairie. L'homme est alors venu nous ouvrir le portail, avec un air affable que l'on n'aurait pas forcément attendu d'une personne âgée se retrouvant face à un groupe de jeunes inconnus.
L'un d'entre nous s'est alors décidé à lui poser LA question qui nous brûlait les lèvres à tous :
"Avez-vous entendu parler de la tornade qui est passée chez vous en 1954 ?"
C'est alors que l'homme nous a regardé, le regard brusquement changé, grave, et ses lèvres ont fini par nous lâcher un mot, un seul mot :
-"Oui."
Durant ces quelques secondes, un frisson m'a parcouru l'échine. Dans ses yeux, je voyais le monstre.
Peu après, l'homme nous a fait monter dans sa maison, où lui et sa femme nous ont reçu très chaleureusement. Et nous voilà partis pour une séance-souvenirs autour d'un verre dans leur salon, qui s'est prolongé durant un bon moment. Très disponibles, ils ont même été jusqu'à nous extraire "leur" trésor : des photos d'un journal professionnel local, Paysans de la Loire. Formidable cerise sur le gâteau, trésor caché qui dormait depuis 1954 dans leurs tiroirs !
Combien de pépites inestimables dorment ainsi en France dans les vieilles archives familiales, les armoires ou les coffres à souvenirs ? Ou quelques fois même simplement dans les têtes ? Ces braves gens n'avaient pas l'air de se rendre compte à quel point ces documents pouvaient être précieux pour nous !
Plus tard, ressortant à l'air libre, le vieux fermier nous a d'abord montré les traces encore subsistantes des dégâts sur les murs en pierre de la ferme.
Il nous a ensuite menés jusqu'à l'endroit où la tornade se serait formée. C'était en haut de ce pré cerné par les bois (cf. photo ci-dessous), dont la largeur devait correspondre environ aux dimensions du phénomène.
Elle serait descendue jusqu'à le Vaux, petite hameau visible en contrebas, et aurait poursuivi ses méfaits plus loin encore, dans un axe classique Ouest-Est.
Lorsqu'enfin nous avons fini par nous quitter, les liens s'étaient tellement noués que nous avons fait une photo-souvenir. Et j'ai encore en mémoire les deux silhouettes nous disant au-revoir sur leur perron, lien si vite noué, et si vite rompu...
Parfois j'essaie de me les imaginer lors de cette belle matinée ensoleillée, tranquillement installés dans leur ferme et dans le flux de la vie, et tout à coup recevant la visite chez eux de plusieurs jeunes inconnus, intrusion de l'extérieur qui allait contre toute attente faire remonter quelque chose du plus profond d'entre eux et de leur mémoire.
Eh oui, c'est aussi cela la réalité d'une enquête.
Anecdote au passage : il a fallu que Remy ouvre devant nos témoins son classeur-outil d'identification avec ses photos de tornades pour que ces gens apprennent enfin -55 ans après !- de quel phénomène ils avaient été victimes. Certes ils avaient été pris d'assaut par la tornade, mais cette dernière était tellement large qu'ils n'ont rien identifié, et l'absence totale de ciment médiatique en France aura fait le reste...
Noirétable le 14 août 1954
F3
Le 14 août à 13 h 30
Trajet de 8 km sur 500 m de large
1 blessé
Ps : je n'ai pas pu -évidemment- vous mettre les photos des dégâts publiés dans Paysans de la Loire pour des raisons de droits. Néanmoins Remy les possède désormais, et elles pourront compléter utilement nos observations et informations obtenues sur place pour documenter le cas en amont, créer une carte du trajet.
L'enquête en effet est loin d'être terminée. De même ce post est susceptible d'être complété à l'avenir.