En jetant un coup d’œil au radar, je m'aperçois en fait qu'elle n'est pas aussi distante que je l'avais cru. La région où elle se trouve – très boisée – est un cauchemar en terme de points de vue, mais je décide tout de même de foncer à vue et d'improviser une fois sur place.
- #1 | 19h50
En me rapprochant, je commence à discerner peu à peu l'imposante structure.
- #2 | 20h20
J'approche désormais dangereusement d'Aire-sur-l'Adour, ville que je préfère ne pas traverser et qui marque la frontière avec les Landes. Déjà assez proche, je prend la première route à droite et engage un rallye en quête d'un semblant de colline dégagée. Après plusieurs tentatives, un premier point de vue me permet de prendre toute la mesure du monstre qui me fait face. Une superbe tourelle convective se déploie au-dessus de son mésocyclone, et les internuageux sont légions.
- #3 | 20h40
Mais une fois n'est pas coutume, le spot me déplaît assez : trop bas, entre deux champs en jachère, pas de quoi profiter pleinement du spectacle. Je fonce donc un peu plus loin, et déniche enfin un point de vue digne de ce nom, à flanc de colline en bordure d'un champ fleuri.
- #4 | 20h45
La structure gronde en continu, et les fragments d'éclairs s'y succèdent.
- #5 | 20h50
Mais vers 21h, la supercellule décline et perd en activité électrique. Je me focalise alors sur celle qui va lui succéder, le long des mêmes forçages. Le soleil se couche, éclairant le nuage en contre-jour. Alors que le crépuscule s'installe, je profite de l'ambiance en observant l'activité s'initier dans les bouillonnements convectifs.
- #6 | 21h15
La cellule, qui n'aura probablement pas dépassé le stade d'amorce, s'évacue vers le nord sans gagner en intensité. L'activité électrique se poursuit modérément, et je décide de la laisser filer. D'autres choses apparaissent plus au sud, et je crois encore dans le potentiel vu en début de nuit. Mais vers 22h, je commence à me questionner... Les flashs se font rares, la convection est difficile à estimer dans l'obscurité, bien que des formes se dessinent autant à l'horizon que sur le radar. Le crépuscule est souvent un moment de basculement, ce sera quitte ou double.
Et puis vers 22h15, quelques intranuageux illuminent l'horizon sud-ouest. La cellule que je guettais est en train de prendre de la vigueur. Une demi-heure plus tard, les flashs se font de plus en plus rapprochés, et les choses commencent à se préciser.
- #7 | 22h45
Les bancs d'altocumulus qui me gênaient disparaissent enfin, et ce nouvel orage se dévoile. La convection est explosive, et l'activité internuageuse s'intensifie.
- #8 | 23h00
Les colonnes convectives se densifient, de plus en plus massives et imposantes. C'est un véritable titan qui prend forme dans la nuit, et les extranuageux aériens s'y enchaînent par dizaines à une cadence impressionnante. La forme de la base et les enroulements autour de la colonne ne laissent que peu de place au doute quant à la rotation que je discerne à l’œil nu, et une longue bande d'afflux prolonge la structure. Comme si ce spectacle ne suffisait pas, Vénus émerge soudain, et vient compléter le ciel étoilé qui s'ouvre au sud. Une vision dantesque tranchant avec l'apparente quiétude de la campagne endormie.
- #9 | 23h08
- #10 | 23h10
Le fourmillement extranuageux se poursuit alors que l'enclume s'étale sous la coûte céleste.
- #11 | 23h15
Je décide alors de m'en rapprocher, mais la tâche s'annonce ardue, et mon errance à travers les forêts me conduit quarante minutes plus tard au milieu de l'une des rares zones ouvertes de l'est des Landes. Au cours de mon approche, l'activité a diminué et la structure a largement perdu de sa superbe. L'orage arrive à son terme, mais l'ambiance reste agréable.
- #12 | 23h55
L'activité se poursuit jusqu'à 0h20, au-delà des forêts. Le radar montre alors de nouvelles choses se former au sud. Sans plus tarder, je m’attelle donc à trouver une vue décente, et autre chose que des champs non cultivés. À 0h40, je m'installe en bordure d'une praire de hautes herbes, et observe le petit cumulonimbus que détectait le radar.
- #13 | 0h45
Une ligne convective s'initie également plus à l'ouest, mais je reste concentré sur cette cellule, la plus imposante. Je commence alors à discerner une ligne dans l'obscurité, révélée par les flashs dont la fréquence augmente doucement. J'hésite, est-ce une bande d'altocumulus, ou quelque chose de plus intéressant ? La réponse ne tarde pas, et c'est un arcus multicouche qui s'avance finalement vers moi en déviant nettement du flux principal.
- #14 | 1h15
Le tonnerre est une fois encore continu.
- #15 | 1h25
La structure poursuit sa lente progression, jusqu'à m'engloutir.
- #16 | 1h35
Encore en marge du gros des précipitations, j'en profite pour m'en écarter. L'activité s'est soudainement ralentie, la cellule va finalement s'éteindre un peu plus au nord-est. Ainsi s'achève cette impressionnante situation où chaque cellule semblait vouloir entrer en rotation. J'entame la route du retour vers la maison, où j'arriverais à 4h du matin, épuisé mais repu de ces visions supercellulaires.